Poupée de femme. Mélange des deux. Peau de porcelaine. Regard brillant. Longue chevelure ondulée rousse. Fines lèvres rosées.
Délicates narines étroites. Arcades sourcilières subtilement dessinées.
Longs doigts délicats aux ongles joliment taillés. Longs bras garnis de poils blonds. Nombril merveilleusement parfait déclinant une naissance tant attendue.
Corps aux courbes féminines.
Sur un petit bout de papier, tu as griffonné cela : « J’aurais voulu être rousse avec de belles anglaises, un petit nez, une large bouche et la peau terriblement blanche, j’aurais eu les yeux verts, je … »
Oui, tu avais les yeux verts… Mais rien d’autre. Pourquoi cette phrase si ridiculeusement intéressante ?
Elle avance vers le miroir.
Rapide tour du corps. Observation. Pas de changement. Décidément, c’est méthodique tout ça.
Du rebord du lit, on suit la scène. On la regarde. On l’observe. Mais pas un son ne sort de la bouche.
La main gauche commence par les cheveux, caressant le haut du crâne. Les doigts se promènent sur la largeur du front. Puis les lèvres. Se rappellent le dernier baiser échangé.
Arrivent les paupières, les oreilles, les joues, le menton…
L’autre main suit ces mêmes traits sur le miroir.
La main croise le chemin d’une petite boursouflure rosée.
Suit la ligne du cou et se heurte au creux d’un os.
Petite entaille charnelle.
Arrive la naissance d’un sein… Puis de l’autre.
L’épaule. Le bras. Le nombril. Le ventre. La hanche… Evitant le triangle pubien, la main hésite. Ne pas y aller.
Souviens toi un peu.
Le miroir froid surprend la peau si chaude lorsqu’ils se frôlent… Alors je m’arrête un instant.
La petite tête la fixe dans la pénombre. Elle n’a pas bougé depuis tout à l’heure.
Stigmates de corps.
La main contourne les hanches, s’évapore vers le creux des reins…
S’éparpillant sans volonté et de manière automatique, les doigts effleurent la rondeur des parties postérieures…
Le reflet est trompeur ; L’image fausse de son dos, de ses reins, de ses fesses.
Temps de pause. Réflexion ? Elle divague.
Corps subtil.
Corps aimant.
Petite faiblesse, tu t’évapores, tu te propages à l’intérieur de moi comme cette envie de faire les choses qui me bouffe tous les jours, qui me soutirent de l’énergie et de la force, ce besoin si cruel d’imaginer. De compléter ainsi ce qui manque, dans tous les sens du terme.
Alors tu t’évapores. J’aime bien ce mot. Tu désires oublier ce qui se passe autour de toi, ce que tu cherchais à faire.
Reviens à la réalité.
Traçant les contours de ce corps sur le miroir, celui-ci répond en y laissant l’empreinte vaporeuse du doigt.
La main touche une cuisse. Y descend. Croise la route d’une trace bleuâtre, signe de rencontre de la jambe avec un meuble.
Arrive le genou. Rond. Déformé. Aussi laid qu’un genou puisse être.
Pas esthétique ; Vraiment pas.
Genou gauche abîmé par une petite escapade allemande qui a fini à l’hôpital.
Cicatrice.
Petite pause. Plaisir. Folie. Isolement.
Elle ne se connaît pas. Mais - Et vous ?
Savez-vous à quoi ressemble votre cage thoracique ? Votre cœur ? Vos poumons ? Votre foie ? N’est ce pas effrayant de ne pas se connaître ?
Constat peu réjouissant ?
Description de chair en surface.
Le mollet. La cheville…
La main gauche caresse l’orteil…
Etalage de l’intimité au travers de la peau.
Les mains… longs doigts garnis de bagues… Doigts triturant les cheveux roux.
Ce petit rituel quotidien dure une bonne quarantaine de minutes; alors lentement, elle s’éloigne, se rapproche de son lit.
Visage blanc.
Regard passif.
Attrape tes ciseaux et coupe tes cheveux. Sans éclat.
Lèvres devenues blanches. Délicates narines étroites.
Longs doigts crochus jaunis par la cigarette. Corps squelettique androgyne.
Peau de chose vivante.
Elle n’est plus être. Elle n’est plus femme. Elle n’est plus corps. Elle n’est plus rien.
L’hystérique attrape le petit corps sans vie et le jette au sol.
Le petit crâne vide s’éclate contre le carrelage blanc.
La porcelaine s’éparpille en petits morceaux ;
« J’aurais voulu être rousse avec de belles anglaises, un petit nez, une large bouche et la peau terriblement blanche, j’aurais eu les yeux verts, je... »